La Réunion, pays des cathédrales cassées

Sur les traces d’une mystérieuse cathédrale cassée à Saint-Denis, nous suivons une piste qui nous mène dans la cour du collège Juliette-Dodu et nous replonge, de manière inattendue, dans les méandres de notre histoire familiale. Revoilà la belle Toune…

La cathédrale qui n’a jamais existé… Lithographie d’Antoine Roussin, datant de 1863 et ainsi légendée : ‘façade de la nouvelle cathédrale de Saint-Denis actuellement en construction – d’après le projet déposé au génie’.

«Nous sommes dans le pays des cathédrales cassées»


«Si vous quittez Saint-Denis, si vous faites le tour de l’île, vous passez en revue des ouvrages inachevés. Nous sommes dans le pays des cathédrales cassées», s’exclame un certain M. de Busschère, lors d’une réunion du conseil général en 1924.

Quelques années auparavant [1901], Henri de Busschère avait exprimé sa perplexité dans la presse face à «ce monument d’aspect grandiose qui dort sous la verdure» : la cathédrale cassée de la rue Sainte-Marie.

«Par quelle catastrophe ce magnifique édifice s’est-il effondré ? Quel linceul d’oubli recouvre ces ruines, et pour quel enseignement les laissez-vous là, en spectacle aux générations à venir ?».

De Busschère en profite au passage pour s’émouvoir — non sans acrimonie — d’une rumeur qui aurait circulé alors [1901] dans les rues de Saint-Denis : assistant au spectacle désolant de l’abandon du site, des zarabes auraient un temps eu l’idée d’acheter le terrain pour y édifier une mosquée à partir des soubassements et ruines de la cathédrale cassée… Mais la cathédrale cassée restera livrée à l’inaction des autorités et à la verdure exubérante pendant encore quelques décennies.

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La cathédrale cassée fréquentée par les amoureux


C’est au hasard de nos diverses recherches que nous avons découvert dans le livre de Jean-Valentin Payet1, «Récits et traditions de La Réunion» publié à l’Harmattan en 1989 — reprenant un ouvrage édité en 1928 sous le titre «Au seuil des cases» —, la mention suivante : «cathédrale cassée». En page 167, Jean-Valentin Payet y faisait une description très détaillée de la mythique cathédrale cassée, décor dans lequel deux amoureux s’isolaient pour flirter [lire encadré plus bas : «Une cachette pour les amoureux»].

Dès le lendemain, le hasard — toujours lui, ou le principe de sérendipité — frappe à nouveau : la «cathédrale cassée» apparaît sous nos yeux dans un autre livre : «Notes des derniers jours», de Pierre-Louis Rivière, roman édité chez Orphie, en 2002 [pages 100-101 / lire extrait plus bas : «Les ruines d’une volonté avortée»].

Puis nous trouvons à nouveau une mention de la fameuse cathédrale cassée, dans un ouvrage paru lui aussi en 1928 — tout comme «Au seuil des cases» — : «Z’histoires la caze» de Georges Fourcade ! Dans son chapitre «Marmailles l’école», Georges Fourcade situe la scène entre trois adolescents — Popol, Fafane et Mamzelle Zizi2 — «dans une allée de la cathédrale cassée, avant la classe du soir».

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Carte de la ville de Saint-Denis indiquant l’emplacement de la ‘cathédrale inachevée’. Source : ‘Saint-Denis longtemps’, de Jean-Paul Marodon, 1980.

Reste-t-il des vestiges de la «cathédrale inachevée» ?


Dès lors, nous avons fait de la «cathédrale cassée» un des objets de notre curiosité. Chaque livre ouvert est un prétexte à vérifications : parle-t-il de la «cathédrale cassée» ? De la «cathédrale inachevée» ? Du premier évêque de La Réunion, qui posa la première pierre de cette «cathédrale-fantôme» ?

Où se trouvait cette mystérieuse cathédrale ? Pourquoi a-t-elle disparu ? Reste-t-il des vestiges ? La réponse à cette dernière question est : oui.

Voici donc l’histoire reconstituée de cette étrange cathédrale, sacrifiée sur l’autel de la séparation de l’Église et de l’État, victime d’un cyclone et abandonnée faute de moyens pour mener à bout des travaux jugés pharaoniques pour l’époque.

1864 : sur ce plan de la ville de Saint-Denis, la 'nouvelle cathédrale' est indiquée sous la référence 'CF'. Emplacement entouré de rouge.
1864 : sur ce plan de la ville de Saint-Denis, la ‘nouvelle cathédrale’ est indiquée sous la référence ‘CF’. Emplacement entouré de rouge.

Les sœurs de Saint-Joseph de Cluny devront déguerpir


L’histoire commence en 1819 lorsque les sœurs de Saint-Joseph de Cluny font l’acquisition d’un terrain à Saint-Denis. Elles devront cependant déguerpir en 1855, lorsque le premier évêque de La Réunion, Mgr Florian Desprez, jugeant la cathédrale de la rue de Paris3 trop petite, élabore un projet de grande cathédrale avec une position centrale.

Son choix se porte alors sur l’emplacement bordé par les rues Sainte-Marie, Jean-Chatel [ex rue du Barachois], Roland-Garros [ex rue de l’Arsenal] et Juliette-Dodu [ex rue du Conseil].

Cet emplacement est donc occupé par les soeurs de Saint-Joseph de Cluny au Nord-Est et par les frères Boulley Duparc sur la partie ouest du terrain longée par la rue Jean-Chatel. Le reste de l’emplacement est libre, si ce n’est un dépotoir installé sur la partie Sud.

Détail d'une œuvre de Giovanni Niccolò Geronimo Servandoni (1695/1766).
Détail d’une œuvre de Giovanni Niccolò Geronimo Servandoni (1695/1766).

Un édifice aux allures gothiques


La première pierre de cet imposant édifice religieux aux allures gothiques, dont les travaux sont estimés à 900.000 francs, est posée en grande pompe et bénie le 9 octobre 1856.

À cette occasion, on scelle «dans une énorme pierre» une petite boîte en plomb, renfermant toutes les monnaies de l’époque à l’effigie de l’Empereur, et «une plaque sur laquelle sont gravés les noms de Pie IX, Napoléon III, Amiral Hamelin, Hubert Delisle, Mgr Desprez, Lefebvre, E. Manés, Bérot, Gabrié, Charles Desbassayns, Des Molières, Schneider, principaux fonctionnaires de la Colonie».

Malgré le faste de cette cérémonie, le chantier ne sera jamais achevé. En 1862, soit 6 ans après la pose de la première pierre, alors que les soubassements sont terminés et que les murs commencent à s’élever, les travaux s’arrêtent, faute de finances. Ils ne reprendront jamais.

Détail d’une œuvre de l’école romaine, 18-19èmes siècles.

1863 : un terrible cyclone dévaste le chantier


«De superbes murailles faites de pierres de taille s’élevaient lorsqu’une crise économique engendrée par le terrible cyclone de 1863 transforma le chantier en des vestiges qui prirent le nom de «Cathédrale Cassée» et que le maire Lahuppe entoura d’un square, écrit Gabriel Gérard4. En 1912, le gouverneur Rodier ordonna la démolition des murailles et le remploi des pierres de taille. Ce geste fut qualifié à l’époque de profanation».

Les lieux entrent alors dans une longue période de transition. Le chantier est laissé à l’abandon et les «superbes murailles faites de pierres de taille» se transforment peu à peu en vestiges et ruines au cœur de la ville. On désigne désormais l’endroit du nom de «cathédrale cassée» ou «cathédrale inachevée».

Le maire de Saint-Denis, Gabriel Lahuppe5 fait installer une petite clôture autour de l’emplacement et décide d’en faire un square en attendant… Voilà donc le «Square de la cathédrale cassée»…

A gauche, le square de la cathédrale cassée, photographié par Gaston Bidel (directeur de chemin de fer de La Réunion), au début du 20ème siècle (1902-1906). Source : IHOI. On distingue une petite clôture constituée de piquets en bois que l’on retrouve sur une autre photo de Bidel (à droite) représentant la rue Sainte-Marie. Selon toute vraisemblance, ces deux photos ont été prises rue Sainte-Marie.

Réfugiés dans les vestiges ombragés de la cathédrale…


Dès lors, il se passe bien des choses dans ce square. C’est évidemment un lieu prisé des amoureux qui s’y retrouvent pour cacher leurs ébats, comme le raconte Jean-Valentin Payet dans son livre «Récits et traditions de La Réunion» [voir encadré plus bas]. Le caractère religieux de cet édifice inachevé se traduit parfois par des reposoirs que l’on dispose contre le pan de l’ancienne construction, à l’occasion de la Fête-Dieu.

Les adolescents du quartier investissent les lieux pour jouer au football «à l’ombre des tamariniers centenaires». À l’angle des rues Sainte-Marie et Juliette-Dodu, une fontaine publique permet aux footballeurs en herbe de se désaltérer6.

Mais attention, dans le «Square de la cathédrale cassée», on peut aussi faire de mauvaises rencontres : «Les détenus que l’on escortait au tribunal pour être jugés ou interrogés par le Juge d’Instruction trompaient parfois la vigilance de leur garde et allaient se réfugier dans les vestiges ombragés de cette cathédrale où des caveaux avaient été aménagés pour l’inhumation des prêtres», raconte M. Merlo, ancien greffier du Palais de Justice.

1905 : ce plan de la ville indique pour la référence 6 : 'nouvelle cathédrale (en construction)'.
1905 : ce plan de la ville indique pour la référence 6 : ‘nouvelle cathédrale (en construction)’.

Peur d’y faire de mauvaises rencontres…


En période électorale, il s’y tenait une «bourse», apprend-on dans le livre «Saint-Denis Longtemps».

«Le tribunal était aussi le siège des bureaux de vote. Dès l’ouverture, la foule des électeurs envahissait la cour. Toute une tactique pour être élu était mise au point : on s’observait, on attendait que le prix des voix monte avant de se lancer dans la bataille».

Un sentier permettait de traverser l’emplacement en diagonale. La nuit, on ne se hasardait pas sur ce raccourci — très emprunté le jour — de peur d’y faire de mauvaises rencontres…

Détail d'une œuvre de Servandoni.
Détail d’une œuvre de Servandoni.

Des ruines envahies par la végétation


Pendant 70 ans — de 1862, date de l’abandon des travaux, à 1932 —, le chantier de la «Cathédrale Cassée» reste en l’état et offre aux regards l’aspect de ruines envahies par la végétation.

En 1932 — enfin ! — la décision est prise de construire sur l’emplacement deux édifices :

  • un cours secondaire féminin [angle des rues Sainte-Marie et Juliette-Dodu, établissement qui deviendra le «collège Juliette-Dodu»],
  • un cours normal mixte d’instituteurs et d’institutrices de La Réunion en bordure de la rue Roland-Garros, édifice aujourd’hui remplacé par un bâtiment destiné à accueillir la bibliothèque [angle des rues Jean-Chatel et Roland-Garros].
1934 : le cours normal mixte, préfiguration de l'Ecole Normale. Il était situé le long de la rue Roland-Garros. Source : ANOM.
1934 : le cours normal mixte, préfiguration de l’Ecole Normale. Il était situé le long de la rue Roland-Garros. Source : ANOM.
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Suite à une défection, les travaux poursuivis en régie


«En mars 1936, un marché pour la construction du cours secondaire féminin à Saint-Denis est passé avec Marcel Payet, entrepreneur de travaux publics. Par suite d’une défection de celui-ci, ces travaux ont dû être poursuivis en régie à partir d’avril 1937.

Ils comportent un bâtiment à étage, comprenant deux ailes à angle droit de 42 mètres de long sur 10 de large chacune, en bordure des rues Sainte-Marie et Juliette-Dodu. L’aile parallèle à la rue Sainte-Marie est terminée depuis le début de l’année 1938 et mise en service.

L’aile prévue en bordure de la rue Juliette-Dodu sera achevée fin 1938. (…) Ces travaux sont évalués à 1.800.000 francs.»7

A gauche : cours secondaire féminin — futur collège Juliette Dodu — en construction, à l’angle des rues Saint-Marie et Juliette-Dodu. 1938. Source : ANOM. A droite : la façade du collège Juliette Dodu, aujourd’hui. Photo 7LLM.

Le génie réunionnais entre en scène


C’est ainsi que disparaissent les ruines de la «cathédrale cassée». Mais l’histoire ne s’arrête pas là.

Certains prétendent que les belles pierres de taille de la «cathédrale cassée» ont été récupérées… notamment pour construire l’école Joinville8. Quelques pas rue Juliette-Dodu puis tourner à gauche dans la rue Mgr de Beaumont. Voici l’école Joinville et ses vieilles pierres dont certaines seraient donc des vestiges de la cathédrale cassée.

Il paraît que pour construire cette école en 1942, dans la pénurie de la guerre, on a donc utilisé les pierres de la cathédrale cassée certes… mais le problème était de les assembler et de les faire tenir. C’est alors que le génie réunionnais entre en scène : faute de ciment, une sorte de mortier à chaux est inventé… à base de sucre.

Nathalie Valentine Legros

Ci-dessous : carte de la Ville de Saint-Denis indiquant l'emplacement de la 'cathédrale inachevée'. Source : 'Saint-Denis longtemps', de Jean-Paul Marodon, 1980.
Louise Payet, dite ‘Toune’. 1927.

Louise Payet, fenêtre ouverte sur la cathédrale cassée


C’est le livre d’un grand-oncle [voir ci-dessous], Jean Valentin Payet9, qui nous a mis sur la piste de la cathédrale cassée. En suivant cette piste, nous avons trouvé un témoignage émouvant sur une autre figure familiale : Toune10, alias Louise Payet [1905-1997]. Rédigé par M. Merlo, ce témoignage dont nous publions un extrait ci-dessous, a été exposé dans la cour du collège Juliette-Dodu, à l’occasion des journées du patrimoine.

(…) Sur l’emplacement de cette «cathédrale cassée», il y avait, à l’angle des rues Sainte-Marie et Jean-Chatel, un terrain clôturé de toute part sur lequel existait un grand immeuble en bois à étage dont la construction pouvait dater du 19ème siècle (vers 1875) ; il était, comme beaucoup d’autres maisons, assez éloigné de la rue Sainte-Marie sur laquelle s’ouvrait un portail en bois à deux battants (…). Il y a là maintenant un terrain bitumé et grillagé qui sert de cour de récréation et même de parking ; le portail a, bien entendu, disparu (…).

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Cet immeuble dont on ignore quelle a été l’utilité première et qui, à l’arrière, était séparé de sa face Nord par un vieux mur qu’on voit encore et qui est mitoyen à l’emplacement qu’occupe aujourd’hui la bibliothèque départementale, semble avoir appartenu avant la seconde guerre mondiale, à l’Éducation Nationale et avoir servi de logement de fonction à des inspecteurs primaires.

Mademoiselle Louise Payet
11, institutrice [décédée à Saint-Denis le 4 septembre 1997, à l’âge de 92 ans], chargée en 1935 de la classe de 9ème au lycée Leconte de Lisle, et dont le père était probablement un gradé dans le corps enseignant12, avait son bureau à l’étage de cette habitation où logeaient ses parents.

Elle occupait une pièce dont une fenêtre s’ouvrait vers l’Est, c’est-à-dire vers la place de la «cathédrale cassée» et jetant de temps à autre un regard sur cette place, elle apercevait parfois quelques uns de ses élèves qui y jouaient le soir au football et le lendemain, l’un d’entre eux interrogé et ne sachant pas sa leçon, était réprimandé : «Vous croyez que je ne vous ai pas vu hier soir ? Pendant que vous jouiez, moi je corrigeais vos devoirs alors que j’aurais aimé assister aux visites que nous recevions». (…)

Dans la cour du collège Juliette Dodu, ce qu’il reste de la cathédrale cassée, un mur aux vieilles pierres… Photo : Jean-Claude Legros.
L’école Joinville, située à un pâté de maison, arbore elle aussi de vieilles pierres en façade. La légende prétend que c’est avec les pierres récupérées sur le chantier inachevé de la cathédrale que l’école Joinville aurait été construite. Les deux colonnes qui encadrent le porche arrondi à l’entrée de l’école ressemblent d’ailleurs à celles que l’on voit sur la lithographie de Roussin représentant le projet de cathédrale. Photos 7LLM.
Ecole Joinville, aile donnant sur la rue Mgr de Beaumont.
Ecole Joinville, aile donnant sur la rue Mgr de Beaumont.

Jean Valentin Payet : une cachette pour les amoureux

(…) Ils se dirent ingénument leur nervosité les nuits d’été, leurs longs frissons les soirs d’hiver. Dans leur bouche, les aveux avaient un sens très chaste. Les phrases trainaient, lentes. Les mots ne comptaient presque plus, l’expression était tout. Ils marchaient enlacés, oublieux du moment, goûtant la douceur de cette nuit claire.

Ils se trouvèrent parmi de hauts troncs. Une ombre très douce, parsemée de taches blanches, les enveloppa. Des arbres murmuraient, pleins d’étoiles.
«Oh ! dit-elle, la cathédrale cassée.
— Tiens, c’est vrai ! Comme c’est joli la nuit
».

Il l’entraîna, curieuse. Ils grimpèrent un talus et se trouvèrent de plain-pied dans la nef : de hauts pans de murs inachevés, entre d’étroites fenêtres à ogives esquissées, dressaient une sombre et majestueuse dentelure surchargée de lianes grimpantes. Des soubassements dessinaient un fer à cheval d’ombres. Des buissons, ça et là, s’estompaient plus noirs avec des feuilles luisantes.

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Tout au fond, le choeur était un chaos de blocs roulés, autour desquels rayonnaient des absides béantes. Parmi l’amas de pierres, un poivrier sauvage se tordait vaguement avec une violente odeur d’encens. Des «goerlets» stridulaient sourdement, dominant de leur chant les mille bruits de la nuit.

Sous le clair de lune, le pauvre monument inachevé prenait des ressemblances de vieux castels de légendes.

Titine, enivrée de parfums et d’émois, chancela, mal d’aplomb sur une pierre et se retint à l’épaule de Tétin. Sa main frôla son cou ; il tressaillit, la serra plus étroitement. D’instinct leurs lèvres se trouvèrent. Le désir monta en eux, puissant. Il l’enleva dans ses bras frémissants et, de roche en roche, dégringola jusqu’à la crypte. Elle lui prit la tête à deux mains offrant son visage émouvant, les yeux clos, les narines palpitantes. Ils disparurent dans l’ombre.

Alors, d’une fenêtre, une tête de gargouille parut parmi les lianes, Pa Misère, silencieusement, riait de tout le gouffre de sa bouche, parmi les poils enluminés de clarté. (…)

Extrait de : «Récits et traditions de La Réunion»
de Jean Valentin Payet

L’Harmattan, 1989

Extrait d'une œuvre de Hubert Robert (1733/1808).
Extrait d’une œuvre de Hubert Robert (1733/1808).

Pierre-Louis Rivière : les ruines d’une volonté avortée


(…) Le carroyage qui ordonne la ville apparaît, net, avec quelquefois une grosse majuscule au milieu, F pour le Lycée, G la Chapelle de l’Assomption, L le Palais de Justice, déjà à cet endroit en 1865, et à l’autre bord de la rue, la mention fièrement portée de la Nouvelle Cathédrale, sur une place où personne n’avait jamais vu que les ruines d’une volonté avortée, les soubassements qui avaient vainement tenté de s’élever vers le ciel, mais étaient restés lamentablement à terre, envahis de buissons, ouverts aux jeux, terrain propice aux rencontres secrètes des lycéens et des filles effrontées derrière le masque de leur uniforme sévère. Puis tout avait disparu à jamais lorsque bien plus tard on construisit le collège de jeunes filles. Le nom reste, ironique, de Cathédrale-Cassée. (…)

Extrait de : «Notes des derniers jours»
de Pierre-Louis Rivière

Orphie, 2002


Lire aussi :


Journaliste, Écrivain, Co-fondatrice - 7 Lames la Mer.

  1. Lire à ce sujet :
    Jean-Valentin Payet, ou le roman déchiré
    • Bal Ma Nini : le premier «love-dating» réunionnais
    Vincendo : l’âme errante qui annonçait la mort
    Moringue 1920 : «Sors devant moi, sinon…»
    1919 : à cause créole l’arrête mange cochon ?
    L’heure pou compte le mort… dann l’ilette perdu.
  2. Lire à ce sujet : Butor 1930 : chez Mam’zelle Zizi, pension tout confort.
  3. Construite de 1829 à 1832 et toujours en fonction.
  4. «La Réunion», 1970
  5. Maire du 25 mai 1882 au 9 septembre 1893.
  6. Lire à ce sujet : De la «Pompe Zamal» à la «Tortue», histoire de fontaines.
  7. Source : «La Réunion, 4 siècles de défis», l’histoire des travaux publics depuis le XVIIème siècle, Daniel Vaxelaire, Océan Editions, 2003.
  8. Source : «Histoire résumée de La Réunion», Gabriel Gérard.
  9. Jean Joseph Pierre Valentin Payet, né à Saint-Benoit le 28 mai 1894, décédé à l’âge de 98 ans, à Paris le 30 mars 1992, grand frère de Louise Payet.
  10. Lire à ce sujet : Les secrets de Toune dévoilés par un vieil album-photos.
  11. Marie-Louise Célicia Valentine Payet, née le 1er juin 1905 à Saint-Pierre, fille de Jean Payet et de Marie Célicia Dostes.
  12. Le père de Louise Payet, Jean Payet, né en 1865, a été notamment directeur d’école à Saint-Pierre puis directeur du cours normal mixte à Saint-Denis.